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Poèmes Méditerranéens

Ces 3 poèmes ont été écrits en 2005 et 2006 lors d'escapades Méditerranéennes...


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Istanbul,

Tu as tenu les voûtes des civilisations
Lorsque leurs murs autour s’écroulaient.
Repose-toi maintenant Byzance,
Tu as rongé trop d'Histoire.

Tu as habillé un Bosphore
Orphelin de ses continents,
Au verger méditerranéen,
Et lorsque Rome s'est renversée,
Tu as protégé les livres et les pierres
Pendant mille ans encore
A l'abri des régiments infanticides
Que tu n’as pas déshérités.

Tu es le pardon
Du viol Vénitien,
Du massacre Ottoman,
Tu as été saccagée par chacun,
Tu gardes les racines évangéliques,
Et les minarets flamboyants,
Les cicatrices invisibles
Des souvenirs mortifères.

Tu es la mémoire
Que les pays ont perdue,
Ils sont venus d’ailleurs,
Et s’effondrent ici,
Un jour ils n'ont pas existé
Demain ils seront abattus.
En innocents dévastés
Ou vainqueurs déchirés.

Tu es la victoire,
Celle que l'on a tant criée
Sur ton ventre écorché,
Ou plantée dans tes oreilles arrachées.
Tu es la victoire que l’on vole,
Pour un seul soir,
Encore une journée de conquête,
Aux lendemains décadents.

Tu es l'éphémère,
Le morceau d'un voyage,
Une escale écarlate,
Un instant de partition,
On te voit, on te croit,
La terre te traverse,
Tu découpes la mer,
Mais quel est ton ciel ?

Tu es la foi,
Le chant qui fait trotter le peuple,
La foi qui s'ignore, qui s'égare,
Qui s'appelle fierté et piété,
Honte ou ignorance,
La foi qui court le monde,
Le construit puis le tue.
Tu es l’illusion.

Tu es la luxure,
Le harem des pulsions,
Le sortilège des séductions.
Tu es l'abus du permis,
La chaleur excessive,
La férocité révélée,
L’assemblement des riens
Et l'ivresse du saccage.

Tu es l'abandon,
Au frère affamé,
A la fille infidèle,
L'abandon aux peurs innocentes,
Aux siècles empirant.
L'abandon des perdants
Aux fourches des Janissaires,
Aux glaives des Croisés.

Tu es les hommes,
Leur gloire et leur puanteur,
Leur sang et leurs larmes,
Les savants et les seigneurs,
Les vaincus, les poilus,
Les bâtisseurs, les rêveurs,
Les histoires, les légendes,
Et si peu de silence.


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Vallée du Nil,

Qui peut cultiver cette verdure de Nil,
Dans la douceur monotone de l’exil
Des puissantes dépouilles aînées,
Gardiens des millénaires premiers ?

Oh ! Pauvres Pharaons !
Les murs de sable poussent plus vite
Que l’usure des vestiges.

Les tombeaux se sont asséchés,
Les temples ont été effacés
Et les prières remplacées.

La gloire statufiée s’effrite.

Restent les mots et les mains sales
De ceux qui ne meurent jamais
Car ils n’ont pas de pyramide :

Les champs irrigués
Et le vent des ruelles,
Pendant ces petits siècles,
Sont presque restés immobiles.

La respiration de chaque jour
Camoufle les croyances antiques
Et dépoussière la misère increvable.


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Essaouira,

Ce matin j’ai vu les pêcheurs d’Essaouira.
Ils portent la rouille à la mer
Et rendent leurs filets à la terre.

Ce matin j’ai vu les pêcheurs d’Essaouira.
Traîner le paquebot éraflé
Et brandir la chaire de l’océan.

Ils sont en cirés jaunes,
Aux mains rongées par le sel,
Au dos cassé par les amarres
Et aux yeux sombres de la criée.

Ce soir les charrettes sont parties alourdies,
Des silhouettes jaunes quittent un port de mouettes.
Elles marchent vers la blancheur des murs
Et l’horizon bleu des portes de la vieille ville.

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